Pour répondre à la demande de Claire sur le sens du partage et des apprentissages collaboratifs :
Pour ce qui me concerne j'adhère à un texte rédigé avec des collègues du CNFPT qui se posent des questions sur le sens de la pédagogie. L'idée est de transformer les approches pédagogiques pour mieux vivre ensemble. Compte tenu des tensions dans la société, l'idée est d'aller vers un apprentissage collaboratif, d'apprendre pour sa communauté plutôt que seulement pour développer ses compétences. Il en va du vivre ensemble. Si je met de l'énergie en dehors de mon institution pour partager des valeurs auxquelles je crois.
Voici le texte qui me sert de référence et que je partage : La pédagogie des grandes causes
Ce texte est le fruit d’une réflexion autour des pratiques de déploiement et d’appropriation des Grandes causes, réalisé par des membres de la Direction de l’ingénierie et de la Direction du Développement durable du CNFPT. Il est construit dans une logique de partage et d’enrichissement, par l’ensemble des acteurs qui sont intéressés par cette problématique.
« La diversité est source de richesse et de créativité. (…) Ce n’est pas par hasard qu’au sein des pays avancés, les grandes métropoles se distinguent à la fois par la diversité de leur population et leur capacité à produire de l’innovation. Ce n’est pas une coïncidence si les villes où s’invente le futur, comme Londres, New York, San Francisco, Sydney ou Tel Aviv, comptent plus d’un quart de résidents nés à l’étranger. À l’inverse, Tokyo paie aujourd’hui les conséquences de son refus de l’internationalisation. La France est très loin de figurer parmi les pays comptant le plus d’immigrés ou les plus marqués par la pluralité des croyances. Cependant, ces évolutions s’accompagnent de phénomènes de désaffiliation de ceux qui vivent l’intégration sociale comme un parcours d’obstacles, et sur des sentiments de relégation, générateurs de profondes frustrations. » -
Quelle France dans 10 ans ? France Stratégie, Juin 2014. Rapport coordonné par Jean Pisani-Ferry, commissaire général à la stratégie et à la prospective -
A l’instar de l’extrait du rapport « la France dans 10 ans », c’est autant par souci éthique que pour redonner du souffle au développement territorial qu’il convient de lutter contre les discriminations.
La diversité est une nécessité objective pour inscrire la société dans une dynamique de croissance, d’innovation, de richesse. Il s’agit également d’une valeur de service public ou d’une grande cause, comme le sont également (pour le CNFPT) le développement durable, l’égalité entre les hommes et les femmes, la réduction de l’illettrisme, la mise en œuvre de comportements favorisant le bien-être au travail. Ces grandes causes appellent l’actualisation de la notion d’intérêt général, en vue de prendre en compte les défis sociaux, les défis climatiques, la gestion des biens communs, la revalorisation du travail bien fait... Elles entendent dès lors contribuer à la transition vers un nouveau modèle de développement, en identifiant les problématiques qui en entravent aujourd’hui son émergence.
Pédagogie des grandes causes ? La plupart des tentatives d’influence directe sur les comportements, relatives aux croyances et aux représentations sur le développement durable, l’interculturalité ou une meilleure prise en considération de l’égalité entre les hommes et les femmes agacent les acteurs visés. Le plus souvent c’est parce que ces tentatives utilisent les schémas traditionnels d’exposition d’idées bien conçus, bien argumentés, étayés scientifiquement mais extérieurs et étrangers au sujet lui-même, ou à ses besoins. L’idée d’être une cible dont un expert détenteur de la vérité viendrait modifier le comportement crée immédiatement de la résistance. Ces approches se fixent sur un paradigme comportementaliste croyant naïvement qu’il suffit d’avoir raison et de bien présenter l’objectif et le contenu pour emporter l’adhésion. En fait, ces approches résonnent comme des leçons d’une morale, qui plus est, étrangères à ses propres habitudes. La justesse d’une grande cause et la qualité de sa présentation sont insuffisantes à son appropriation. La force de conviction, le militantisme sont simultanément source de motivation et d’exemples mais illustrent le syndrome du « plus de la même chose » dénoncé par les tenants de la systémique (cf. Travaux de Palo Alto). Il faudrait être encore plus militant en matière de développement durable, apporter encore plus de preuves du réchauffement climatique. Tout cela produit des effets limités quand l’évidence est un corps étranger à soi-même.
La pédagogie des grandes causes doit donc prendre en compte tous les ingrédients de la situation, les contraintes, les causes et les conséquences et pas seulement les symptômes. Les individus ont des raisons de faire ce qu’ils font, à partir du moment où ils procèdent selon des schémas de valeurs socialement établis, ou des motivations pragmatiques implicites. Il est insuffisant de délivrer le bon message, d’autant plus lorsqu’il est désincarné ou contradictoire avec des injonctions professionnelles et sociales, complexes et plus ancrées.
Comment inventer une « pédagogie des grandes causes » ? Il s’agit déjà de se concentrer sur les contraintes qui entravent la dynamique d’apprentissage, lorsqu’il est question de croyances ou de représentations. Des initiatives cherchent à augmenter le pouvoir d’émancipation de tous, mais différents points de blocages se dressent au fur et à mesure de leur mise en œuvre. Parmi ces contraintes, on peut d’ores et déjà identifier :
Des problématiques individuelles :
• La dissonance cognitive (toute opinion opposée à la mienne me renforce dans mes convictions)
• La peur de la perte –de quelque chose que l’on a- , lorsqu’elle est plus forte que la possibilité d’un gain hypothétique
• La sidération face à l’ampleur d’enjeux, tels que le changement climatique
• La peur du déclassement ou de la déqualification, qui n’incitent pas à la prise de risque alors que cette prise de risque est intrinsèquement liée aux besoins d’innovation
Des problématiques sociales :
• Les injonctions contradictoires, entre des objectifs quantitatifs (former toujours plus) et des démarches qualitatives (former mieux)
• Le poids des corporatismes qui incite à de la défense des acquis
• Le poids de représentations qui freinent les approches interculturelles (entre cultures familiales ou professionnelles)
Des problématiques organisationnelles :
• Les cloisonnements entre les fonctions support et opérationnelles, alors que la transversalité est essentielle pour la pédagogie des grandes causes
• Les procédures budgétaires qui intègrent peu des approches analytique ou matricielle ou peu d’analyse en coût global
• La posture des collectivités locales, qui doivent passer d’une démarche descendante à une logique partenariale, de fédération d’acteurs et de coproduction de l’action publique.
De façon complémentaire, cette pédagogie des grandes causes a pour ambition de lister et de promouvoir les pratiques en vigueur qui ont produit des résultats, de repérer les acteurs inspirants qui se sont attaqués au hiatus entre les discours et les actes. Quels modes d’apprentissage sont particulièrement efficients dans le cadre des problématiques grandes causes ? D’ores et déjà, il apparaît que certaines réalisations sont opérantes :
Parce qu’elles nourrissent l’envie d’agir
• En provoquant l’évolution des représentations (sur le rôle des collectivités, sur les relations aux élus, sur le rapport aux freins – points de départ plutôt que justification de l’inaction)
• En construisant des capacités à argumenter pour diffuser ces orientations auprès des équipes
• En générant une émotion, par exemple sur l’état de la planète laissé aux générations futures
• En suscitant l’engagement / l’envie d’agir : en diffusant une culture partagée, en permettant la co-construction et l’appropriation du sens de l’action publique
Parce qu’elles rappellent la conformité juridique et la nécessité d’y souscrire
• En interpellant les individus sur le cadre légal à respecter
• En leur donnant des outils d’appropriation et de mise en œuvre de ce cadre législatif
Parce qu’elles ancrent les projets dans une réalité territoriale
• Par la cartographie des acteurs et le « community management »…
Parce qu’elles stimulent la créativité et permettent d’impulser des innovations
• Par le Backcasting : invention collective d’un futur désiré
• En facilitant l’appropriation des gestes et postures : par l’expérience, le prototypage… l’invention individuelle et collective
Parce qu’elles soutiennent la conduite des projets :
• Par la mise en capacité autour de techniques liées à la conduite de projet participatif, au plaidoyer, à la mobilisation des acteurs, au process de production des politiques publiques …
• En nourrissant un dialogue renforcé entre des acteurs, et en particulier les managers, de différents domaines.
Parce qu’elles permettent de dégager des marges de manœuvre (financement)
• Budget analytique et approche matricielle
• Analyse en coût global
• Nouveaux modes d’intervention des pouvoirs publics : contrats de performance, entrée au capital de SCIC, tiers-financement…
• Internalisation des externalités sociales et environnementales.
Toutes ces modalités pédagogiques pour promouvoir les grandes causes sont à combiner en fonction de l’analyse des situations, pour s’adapter aux façons d’apprendre qui sont différentes selon les individus et les collectivités.
Pour ce qui me concerne j'adhère à un texte rédigé avec des collègues du CNFPT qui se posent des questions sur le sens de la pédagogie. L'idée est de transformer les approches pédagogiques pour mieux vivre ensemble. Compte tenu des tensions dans la société, l'idée est d'aller vers un apprentissage collaboratif, d'apprendre pour sa communauté plutôt que seulement pour développer ses compétences. Il en va du vivre ensemble. Si je met de l'énergie en dehors de mon institution pour partager des valeurs auxquelles je crois.
Voici le texte qui me sert de référence et que je partage : La pédagogie des grandes causes
Ce texte est le fruit d’une réflexion autour des pratiques de déploiement et d’appropriation des Grandes causes, réalisé par des membres de la Direction de l’ingénierie et de la Direction du Développement durable du CNFPT. Il est construit dans une logique de partage et d’enrichissement, par l’ensemble des acteurs qui sont intéressés par cette problématique.
« La diversité est source de richesse et de créativité. (…) Ce n’est pas par hasard qu’au sein des pays avancés, les grandes métropoles se distinguent à la fois par la diversité de leur population et leur capacité à produire de l’innovation. Ce n’est pas une coïncidence si les villes où s’invente le futur, comme Londres, New York, San Francisco, Sydney ou Tel Aviv, comptent plus d’un quart de résidents nés à l’étranger. À l’inverse, Tokyo paie aujourd’hui les conséquences de son refus de l’internationalisation. La France est très loin de figurer parmi les pays comptant le plus d’immigrés ou les plus marqués par la pluralité des croyances. Cependant, ces évolutions s’accompagnent de phénomènes de désaffiliation de ceux qui vivent l’intégration sociale comme un parcours d’obstacles, et sur des sentiments de relégation, générateurs de profondes frustrations. » -
Quelle France dans 10 ans ? France Stratégie, Juin 2014. Rapport coordonné par Jean Pisani-Ferry, commissaire général à la stratégie et à la prospective -
A l’instar de l’extrait du rapport « la France dans 10 ans », c’est autant par souci éthique que pour redonner du souffle au développement territorial qu’il convient de lutter contre les discriminations.
La diversité est une nécessité objective pour inscrire la société dans une dynamique de croissance, d’innovation, de richesse. Il s’agit également d’une valeur de service public ou d’une grande cause, comme le sont également (pour le CNFPT) le développement durable, l’égalité entre les hommes et les femmes, la réduction de l’illettrisme, la mise en œuvre de comportements favorisant le bien-être au travail. Ces grandes causes appellent l’actualisation de la notion d’intérêt général, en vue de prendre en compte les défis sociaux, les défis climatiques, la gestion des biens communs, la revalorisation du travail bien fait... Elles entendent dès lors contribuer à la transition vers un nouveau modèle de développement, en identifiant les problématiques qui en entravent aujourd’hui son émergence.
Pédagogie des grandes causes ? La plupart des tentatives d’influence directe sur les comportements, relatives aux croyances et aux représentations sur le développement durable, l’interculturalité ou une meilleure prise en considération de l’égalité entre les hommes et les femmes agacent les acteurs visés. Le plus souvent c’est parce que ces tentatives utilisent les schémas traditionnels d’exposition d’idées bien conçus, bien argumentés, étayés scientifiquement mais extérieurs et étrangers au sujet lui-même, ou à ses besoins. L’idée d’être une cible dont un expert détenteur de la vérité viendrait modifier le comportement crée immédiatement de la résistance. Ces approches se fixent sur un paradigme comportementaliste croyant naïvement qu’il suffit d’avoir raison et de bien présenter l’objectif et le contenu pour emporter l’adhésion. En fait, ces approches résonnent comme des leçons d’une morale, qui plus est, étrangères à ses propres habitudes. La justesse d’une grande cause et la qualité de sa présentation sont insuffisantes à son appropriation. La force de conviction, le militantisme sont simultanément source de motivation et d’exemples mais illustrent le syndrome du « plus de la même chose » dénoncé par les tenants de la systémique (cf. Travaux de Palo Alto). Il faudrait être encore plus militant en matière de développement durable, apporter encore plus de preuves du réchauffement climatique. Tout cela produit des effets limités quand l’évidence est un corps étranger à soi-même.
La pédagogie des grandes causes doit donc prendre en compte tous les ingrédients de la situation, les contraintes, les causes et les conséquences et pas seulement les symptômes. Les individus ont des raisons de faire ce qu’ils font, à partir du moment où ils procèdent selon des schémas de valeurs socialement établis, ou des motivations pragmatiques implicites. Il est insuffisant de délivrer le bon message, d’autant plus lorsqu’il est désincarné ou contradictoire avec des injonctions professionnelles et sociales, complexes et plus ancrées.
Comment inventer une « pédagogie des grandes causes » ? Il s’agit déjà de se concentrer sur les contraintes qui entravent la dynamique d’apprentissage, lorsqu’il est question de croyances ou de représentations. Des initiatives cherchent à augmenter le pouvoir d’émancipation de tous, mais différents points de blocages se dressent au fur et à mesure de leur mise en œuvre. Parmi ces contraintes, on peut d’ores et déjà identifier :
Des problématiques individuelles :
• La dissonance cognitive (toute opinion opposée à la mienne me renforce dans mes convictions)
• La peur de la perte –de quelque chose que l’on a- , lorsqu’elle est plus forte que la possibilité d’un gain hypothétique
• La sidération face à l’ampleur d’enjeux, tels que le changement climatique
• La peur du déclassement ou de la déqualification, qui n’incitent pas à la prise de risque alors que cette prise de risque est intrinsèquement liée aux besoins d’innovation
Des problématiques sociales :
• Les injonctions contradictoires, entre des objectifs quantitatifs (former toujours plus) et des démarches qualitatives (former mieux)
• Le poids des corporatismes qui incite à de la défense des acquis
• Le poids de représentations qui freinent les approches interculturelles (entre cultures familiales ou professionnelles)
Des problématiques organisationnelles :
• Les cloisonnements entre les fonctions support et opérationnelles, alors que la transversalité est essentielle pour la pédagogie des grandes causes
• Les procédures budgétaires qui intègrent peu des approches analytique ou matricielle ou peu d’analyse en coût global
• La posture des collectivités locales, qui doivent passer d’une démarche descendante à une logique partenariale, de fédération d’acteurs et de coproduction de l’action publique.
De façon complémentaire, cette pédagogie des grandes causes a pour ambition de lister et de promouvoir les pratiques en vigueur qui ont produit des résultats, de repérer les acteurs inspirants qui se sont attaqués au hiatus entre les discours et les actes. Quels modes d’apprentissage sont particulièrement efficients dans le cadre des problématiques grandes causes ? D’ores et déjà, il apparaît que certaines réalisations sont opérantes :
Parce qu’elles nourrissent l’envie d’agir
• En provoquant l’évolution des représentations (sur le rôle des collectivités, sur les relations aux élus, sur le rapport aux freins – points de départ plutôt que justification de l’inaction)
• En construisant des capacités à argumenter pour diffuser ces orientations auprès des équipes
• En générant une émotion, par exemple sur l’état de la planète laissé aux générations futures
• En suscitant l’engagement / l’envie d’agir : en diffusant une culture partagée, en permettant la co-construction et l’appropriation du sens de l’action publique
Parce qu’elles rappellent la conformité juridique et la nécessité d’y souscrire
• En interpellant les individus sur le cadre légal à respecter
• En leur donnant des outils d’appropriation et de mise en œuvre de ce cadre législatif
Parce qu’elles ancrent les projets dans une réalité territoriale
• Par la cartographie des acteurs et le « community management »…
Parce qu’elles stimulent la créativité et permettent d’impulser des innovations
• Par le Backcasting : invention collective d’un futur désiré
• En facilitant l’appropriation des gestes et postures : par l’expérience, le prototypage… l’invention individuelle et collective
Parce qu’elles soutiennent la conduite des projets :
• Par la mise en capacité autour de techniques liées à la conduite de projet participatif, au plaidoyer, à la mobilisation des acteurs, au process de production des politiques publiques …
• En nourrissant un dialogue renforcé entre des acteurs, et en particulier les managers, de différents domaines.
Parce qu’elles permettent de dégager des marges de manœuvre (financement)
• Budget analytique et approche matricielle
• Analyse en coût global
• Nouveaux modes d’intervention des pouvoirs publics : contrats de performance, entrée au capital de SCIC, tiers-financement…
• Internalisation des externalités sociales et environnementales.
Toutes ces modalités pédagogiques pour promouvoir les grandes causes sont à combiner en fonction de l’analyse des situations, pour s’adapter aux façons d’apprendre qui sont différentes selon les individus et les collectivités.